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Coalition Contre la Déportation des Réfugiés Palestiniens

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3.     La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés considère-t-elle les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié comme étant menacés de persécution ?

 

3.1.Définition juridique de « réfugié » au Canada
3.2. Pays où les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié sont persécutés
3.3.Persécutions auxquelles les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié font face
3.4.Motifs de persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié
3.5.La crainte de persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié est légitime
3.6.Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié ne jouissent d’aucune protection de l’État
3.7.Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié n’ont pas de possibilité de refuge intérieur (PRI)

 

 

 

 

3.1.        Définition juridique de « réfugié » au Canada[1]

 

La section 3(2)(b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[2] stipule qu’un des objectifs de la loi est « de remplir les obligations en droit international du Canada relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées et d'affirmer la volonté du Canada de participer aux efforts de la communauté internationale pour venir en aide aux personnes qui doivent se réinstaller. »

 

La Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) a la responsabilité de prendre une décision concernant les demandes d’asile faites par des personnes se trouvant au Canada. Le Canada a l’obligation d’accorder l’asile aux réfugiés et aux autres personnes à protéger, en vertu de plusieurs conventions des Nations-Unies, comprenant :

 

·         La Convention relative au statut des réfugiés de 1951;

·         Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966;

·         La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984.

La Section de la protection des réfugiés de la CISR détermine si les personnes demandant l’asile sont des « réfugiés au sens de la Convention » [3] ou des « personnes à protéger » [4]. Présentement, les décisions sont le plus souvent prises par un seul membre de la Commission, désigné par « commissaire de la CISR » dans ce document.

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [5], s. 96, stipule que :

 

« 96. À qualité de réfugié au sens de la Convention -- le réfugié -- la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner. »

 

 

 

3.2.       Pays où les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié sont persécutés

Une fois au Canada, les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié se retrouvent en dehors de leur pays de résidence habituelle, étant apatrides de fait, que ce soit au Liban ou dans les territoires occupés.

Selon la jurisprudence canadienne:

« [Par] la notion de « résidence habituelle » [...], on entend une situation dans laquelle un apatride a été admis dans un pays en vue d'y établir une résidence continue pendant un certain temps [...]. L'intéressé doit avoir établi une résidence de facto pendant une longue période dans le pays en question. » [6]

Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié venant du Liban ont de toute évidence « établi une résidence de facto pendant une longue période dans le pays en question », puisqu’ils ont résidé depuis leur naissance dans des camps de réfugiés libanais existant depuis plus de 56 ans.

De même, les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié en provenance des territoires occupés ont habité dans des villes, des villages et des camps de réfugiés dans leur pays d’origine, présentement sous occupation militaire israélienne.

3.3.       Persécutions auxquelles les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié font face

 

Tel que stipulé dans la jurisprudence, « [pour] que des mauvais traitements subis ou anticipés soient considérés comme de la persécution, il faut qu'ils soient graves, [soit] la négation majeure d'un droit fondamental de la personne ».[7]

 

En définissant la persécution, la Court suprême ajoute, dans Ward c. Canada:[8]

 

« La Convention repose sur l'engagement qu'a pris la communauté internationale de garantir, sans distinction, les droits fondamentaux de la personne, tel que stipulé dans le préambule du traité qui suit :

 

Considérant que la Charte des Nations Unies et la Déclaration universelle des droits de l'homme [...] ont affirmé le principe que les êtres humains, sans discrimination, doivent jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

[...]

Hathaway… à la page 108, explique en quoi cet esprit général est reflété dans le traité sur les droits des réfugiés :

 

Toutefois, le point de vue dominant est que le droit relatif aux réfugiés devrait s'appliquer à tout acte qui nie de manière fondamentale la dignité humaine, et que la négation soutenue ou institutionnelle des droits fondamentaux de la personne est la norme appropriée. »

De plus, la Cour continue de maintenir que « la communauté internationale, et non un seul pays, définit les droits fondamentaux de la personne. Or, pour déterminer si la conduite appréhendée viole de façon cruciale des droits fondamentaux de la personne, il est acceptable de faire appel au droit canadien ».[9]

 

En tant que telles, les violations commises à l’encontre des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié, tel que démontré dans cette section, peuvent sans nul doute être qualifiées de persécution.

 

La jurisprudence souligne également qu’« il est possible que les mauvais traitements infligés à une personne constituent de la discrimination ou du harcèlement. Même si, individuellement, ces actes de harcèlement ne sont pas assimilables à de la persécution, cumulativement, ils peuvent en être l'équivalent ».[10] À l’issue d’enquêtes individuelles, bon nombre des actes commis à l’encontre des Palestiniens se sont avérés être des persécutions, et il ne fait aucun doute que l’ensemble de ces violations constitue une persécution.

 

3.3.1.       Les réfugiés palestiniens au Liban[11]

 

Les réfugiés palestiniens au Liban sont les descendants des familles palestiniennes expulsées de Palestine en 1948. Au cours des derniers 56 ans, les réfugiés palestiniens au Liban ont vécu dans des camps de réfugiés, dans des conditions épouvantables. Israël continue de leur nier le droit de retourner aux maisons abandonnées en 1948, en violation directe des instruments juridiques internationaux suivants :

·         La Résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU, réaffirmée 110 fois par l’Assemblée générale des Nations-Unies depuis 1948;

·         Les Résolutions 3236 et 52/62 de l’Assemblée générale de l’ONU;

·         La 4e Convention de Genève;

·         La Déclaration universelle des droits de l’Homme;

·         Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

·         La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

 

Le déni de ce droit individuel et inaliénable a conduit les réfugiés palestiniens apatrides à une vie misérable dans les camps de réfugiés des pays limitrophes, en particulier au Liban.

 

Il est déjà établi que le Liban viole une pléthore de droits de la personne fondamentaux. En 2003, Amnistie internationale dénonçait le traitement des Palestiniens apatrides au Liban, comme entrant clairement en violation avec : [12]

 

·         Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

·         La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

·         La Convention relative aux droits de l'enfant;

·         Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

·         La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes;

·         La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

 

Le Canada a ratifié chacun de ces instruments, ou y a adhéré.

 

La discrimination et la persécution systématique des réfugiés palestiniens au Liban se traduisent par des violations telles que :[13]

 

·         Aucun droit à l’emploi ou à la sécurité sociale :

Les réfugiés palestiniens se voient refuser l’accès à plus de 70 professions. Il leur est interdit de jure de pratiquer plusieurs professions, telles que le droit, la médecine, la pharmacie et le journalisme. De plus, seulement 1% des Palestiniens au Liban parviennent à obtenir le permis de travail requis par le gouvernement libanais afin de bénéficier d’un travail régulier. Même les Palestiniens ayant un emploi régulier n’ont droit à aucune sécurité sociale. (Voir Annexe 1, page iii)

 

·         Aucun droit à la propriété ou à un logement acceptable :

Les Palestiniens se voient interdire de reconstruire ou de rénover les camps de réfugiés, et d’acquérir une propriété ou d’en hériter.(Voir Annexe I, page iv)

 

·         Aucun droit politique ni liberté d’expression :

Les réfugiés palestiniens n’ont aucun droit politique et ont souvent peur d’exprimer leurs opinions de peur de représailles. (Voir Annexe I, page v)

 

·         Aucune liberté d’association :

Les Palestiniens n’ont pas le droit d’organiser et de constituer des associations à moins de le faire par le truchement d’un citoyen libanais. (Voir Annexe I, page vi)

 

·         Liberté de mouvement restreinte :

Les Palestiniens sont soumis à de fréquents contrôles d’identité aux postes de contrôle militaire des entrées et sorties des camps de réfugiés. (Voir Annexe I, page vi)

 

·         Accès limité l’éducation :

Les écoles et universités libanaises fonctionnent selon un système de quota qui restreint l’accès aux réfugiés palestiniens; seulement 20% des réfugiés palestiniens qui en font la demande obtiennent l’accès à l’éducation publique libanaise. (Voir Annexe I, page vii)

 

·         Accès limité au réseau de santé public :

Les hôpitaux publics étant en nombre nettement insuffisants, la majorité de la population se tourne vers les hôpitaux privés, trop onéreux pour la plupart des Palestiniens. L’UNRWA, victime de restrictions budgétaires, n’a pu fournir que les soins médicaux de base, ses fonds d’hospitalisation étant réduits (Voir annexe I, page viii)

 

·         Sans protection légale et apatrides :

En raison de leur état d’apatrides, les réfugiés palestiniens au Liban se sont vus refuser virtuellement tout moyen d’assurer leurs droits fondamentaux. Ils ne peuvent faire appel ni à l’UNRWA, dont le mandat ne comprend pas la protection des Palestiniens, ni au HCR, qui exclut spécifiquement les Palestiniens de sa protection. (Voir Annexe I, page ix)

 

 

 

·         Arrestations, détention et harcèlement arbitraires :

Les Palestiniens sont souvent victimes d’arrestations, de mises en détention et de harcèlement de façon arbitraire de la part des forces de sécurité et des milices rivales dans les camps de réfugiés. (Voir Annexe I, page vi)

 

3.3.2.       Les réfugiés palestiniens des territoires occupés[14]

Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié des territoires occupés continuent à vivre sous une occupation militaire israélienne brutale et illégale. Le gouvernement israélien, son occupation militaire et toute les actions qui dérivent de cette occupation violent un grand nombre de résolutions de l’ONU et de conventions internationales, telles que :

·         Les résolutions de l’ONU 194, 242, 338, 1397, 1402, et beaucoup d’autres;

·         La 4e Convention de Genève;

·         Les règlements de La Haye (La Haye II, La Haye IV…);

·         Le code de conduite de l’ONU pour les responsables de l'application des lois;

·         Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques;

·         Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;

·         La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants;

·         La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale;

·         La Convention relative aux droits de l'enfant.

 

Le Canada a ratifié chacune des conventions et chacun des pactes mentionnés sur cette liste, ou y a adhéré.

 

Les violations commises par les autorités israéliennes ont systématiquement porté préjudice aux Palestiniens, dont les droits humains fondamentaux continuent d’être totalement bafoués. Ceux-ci sont persécutés et leur vie a été bouleversée. Ces violations comprennent [15] :

 

·         Blessures, meurtres et usage d’armes à feu mortelles :

Entre Septembre 2000 et Novembre 2003, plus de 2 755 Palestiniens ont été tués, dont 460 enfants, et 28 000 ont été blessés, en majorité des civils. La principale cause de ces morts est la politique délibérée permettant l’usage d’armes à feu mortelles dans des situations où les soldats israéliens ne sont pas en danger. (Voir Annexe II, page i)

 

·         Fusillades, bombardements terrestres, bombardements aériens et recours sans discernement à la violence :

Les collectivités palestiniennes subissent fréquemment des fusillades et des bombardements perpétrés au hasard dans des zones résidentielles, et même, à certains endroits, toutes les nuits. Les bombardements aux obus à fléchettes perpétrés dans des zones densément peuplées telles que Gaza illustrent bien cette violence aveugle. (Voir Annexe II, page ii)

 

 

 

·         Les assassinats extra-judiciaires :

D’octobre 2000 à avril 2003, les forces israéliennes d’occupation ont tué, lors d’opérations d’assassinat, plus de 230 Palestiniens, y compris 80 enfants, femmes et passants innocents. (Voir Annexe II, page ii)

 

·         L’utilisation de Palestiniens comme boucliers humains :

Les soldats israéliens utilisent souvent des Palestiniens comme boucliers humains; pour ce faire, ils placent des civils devant eux tandis qu’ils s’approchent d’une cible. (Voir Annexe II, page ii)

 

·         La démolition de centaines de maisons et la destruction de milliers d’arbres et de milliers d’acres de terres arables:

L’armée israélienne a détruit 4 000 foyers au cours des trois dernières années, laissant des milliers de personnes sans logis, dont beaucoup sont des femmes, des enfants et des personnes âgées. Les forces israéliennes d’occupation ont également déraciné des milliers d’arbres et détruits des milliers d’hectares de terres dans la bande de Gaza. Dans presque tous les cas de démolition, les maisons étaient encore occupées, et les occupants ont dû fuir à l’arrivée des bulldozers devant leur porte. (Voir Annexe II, page iii)

 

·         La confiscation des terres et le mur :

Israël construit actuellement un mur qui, une fois terminé, s’étendra sur 450 kilomètres. Cela constitue clairement un acte d’annexion territoriale ayant de graves implications, car il viole le droit à l’autodétermination et l’interdiction d’acquérir des territoires par la force. (Voir Annexe II, page iv)

 

·         Les postes de contrôle :

Il y a en Cisjordanie occupée 300 postes de contrôle et barrages routiers. Tous les jours, des milliers de Palestiniens doivent traverser des postes de contrôle pour se rendre au travail, à l’école ou à l’hôpital, ou visiter des amis. On rapporte d’innombrables cas d’impolitesse, d’humiliations et de violence aux postes de contrôle. Franchir une courte distance entre les villes et villages de Cisjordanie, lorsque cela est même possible, constitue pour les Palestiniens un long voyage, onéreux et potentiellement dangereux, . (Voir Annexe II, page iv)

 

·         Les sièges, les couvre-feux et les bouclages :

Depuis septembre 2000, Israël a imposé un bouclage complet des territoires occupés. Les villes et les villages de Cisjordanie se voient imposer beaucoup trop souvent des couvre-feux de 24 heures sur 24, pour des périodes prolongées. (Voir Annexe II, page v)

 

·         Les emprisonnements, les détentions administratives et la torture :

Les forces israéliennes d’occupation ont enfermé 28 000 Palestiniens depuis le début de l’intifada. Approximativement 5 700 prisonniers, dont 66 prisonnières et environ 200 garçons de moins de 18 ans, vivent présentement dans des conditions de détention très difficiles dans la prison de Al-Ramleh. En outre, les forces de sécurité israéliennes torturent fréquemment les Palestiniens lors de leurs interrogatoires. (Voir Annexe II, page vi)

 

·         Les attaques à l’encontre du personnel médical :

L’armée israélienne refuse souvent l’accès aux ambulances, qui sont souvent attaquées et forcées à se retirer. Entre septembre 2000 et juin 2003, la Société du Croissant-Rouge de Palestine a rapporté 255 attaques israéliennes sur des ambulances. Jusqu’à 118 ambulances ont été endommagées, certaines plus d’une fois. (Voir Annexe II, page viii)

 

·         La restriction de l’accès à la nourriture, entraînant la malnutrition :

L’accès à l’aide humanitaire est de plus en plus restreint, ce qui cause une baisse spectaculaire du niveau de vie des Palestiniens dans les territoires occupés. On compte 60 % de Palestiniens vivant sous le seuil de la pauvreté; 22 % des enfants palestiniens de moins de cinq ans souffrent de malnutrition et 9,3% de malnutrition grave. (Voir Annexe II, page x)

 

Il est important de souligner que le conflit ne se déroule pas entre deux États ou deux armées, mais entre une armée d’occupation et une population non protégée occupée illégalement. De plus, toutes ces violations ont été commises contre une population d’à peine plus de trois millions de personnes, équivalente à celle de la région du Grand Montréal.

 

3.3.3.       Persécutions répétitives et persistantes

 

Pour déterminer si le préjudice constitue une persécution, afin d’établir le statut de réfugié, « le deuxième critère est que, généralement, le préjudice est infligé de façon répétitive ou persistante ».[16]

 

Dans le cas des réfugiés palestiniens du Liban, la persécution est clairement répétitive et persistante, et ce depuis plusieurs années. Le déni des droits humains fondamentaux aux réfugiés palestiniens du Liban ne résulte pas simplement des actions des autorités officielles; il est inhérent à la législation du pays. « Les violentes pratiques discriminatoires du gouvernement libanais et l’incapacité de l’UNRWA à remplir son mandat ont conduit les Palestiniens à une situation caractérisée par la pauvreté abjecte, l’isolement et la persécution. [traduction] ».[17] S’agissant d’un élément à la base de la politique gouvernementale, la persécution est donc répétitive et persistante.

 

La persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié est clairement récurrente et persistante dans les territoires occupés. Les Palestiniens ont vécu sous l’occupation militaire israélienne dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie depuis plus de 36 ans, où le Tsahal leur a infligé de nombreuses atrocités et violations de droits humains. Ces violations ont atteint un niveau alarmant depuis le début de la seconde Intifada le 28 septembre 2000. Selon les plus récents rapports d’organisations internationales de droits humains renommées, la condition continue de se dégrader.[18]

 

3.3.4.       Reconnaissance de l’existence du danger et de la persécution de la part du Canada

 

La Canada reconnaît clairement le danger et la persécution auxquels font face les Palestiniens dans les régions qu’ils ont fuies. Cette reconnaissance est implicite dans les conseils aux voyageurs émis par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international :

 

« On demande aux Canadiens de ne pas se rendre en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza, où de violents incidents continuent de se produire. Les Canadiens qui se trouvent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza doivent partir, car ils courent de grands risques. Il peut être difficile de quitter les territoires durant les bouclages ou les couvre-feux qui sont fréquemment imposés par les Israéliens. Les points de passage en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et les autres postes de contrôle, restent généralement ouverts. Toutefois, les autorités imposent souvent des fermetures et d'autres restrictions sans préavis. En plus d'être fermé périodiquement, le point de passage de Rafah vers l'Égypte et celui d'Erez vers Israël se trouvent dans des zones où des tirs éclatent fréquemment. Il est recommandé aux voyageurs de vérifier s'ils le peuvent les heures d'ouverture des points de passage avant de s'y rendre, bien que ces heures changent parfois sans préavis. »[19]

 

« On recommande aux Canadiens de ne pas visiter les camps de réfugiés palestiniens [au Liban] car la situation en matière de sécurité est souvent tendue. » [20]26

 

On retrouve également cette reconnaissance dans la déclaration canadienne suivante faite aux Nation-Unies :

 

« Sur le plan humanitaire, la situation continue de se détériorer dans les Territoires palestiniens [...] Nous avons exprimé nos profondes préoccupations au sujet de la situation humanitaire dans les Territoires palestiniens aux autorités israéliennes, et nous n'avons cessé d'exhorter Israël à honorer ses obligations issues du droit international et de la Quatrième Convention de Genève. »[21]

 

« En même temps, il faut remédier à la situation humanitaire et économique très grave qui sévit dans les territoires palestiniens. L'augmentation de la pauvreté et de la malnutrition, surtout parmi les femmes et les enfants palestiniens, témoignent d'une façon assez effrayante de la gravité de la situation actuelle. Non seulement les nombreux couvre-feux et les fermetures sont-ils devenus une routine accablante et quotidienne pour des millions de Palestiniens, mais ils gênent aussi l'accès humanitaire à ceux qui en ont besoin. Conformément à ses obligations en vertu du droit international, Israël doit faciliter la prestation de l'aide humanitaire et veiller à ce que les Palestiniens aient un accès complet et sans entraves aux produits de première nécessité, comme la nourriture, l'eau et les fournitures médicales. »[22]

 

De plus, le Canada préside le Groupe de travail multilatéral sur les réfugiés palestiniens. En mai 1997, le Canada a mené une mission d’enquête sur la situation des réfugiés palestiniens au Liban. Dans son rapport final, la mission concluait :

 

« [...] les réfugiés palestiniens au Liban sont ceux qui éprouvent les problèmes les plus graves [...] Les réfugiés palestiniens ont notamment des difficultés à obtenir des services d'éducation au-delà du niveau primaire et un accès convenable à l'hospitalisation, ils ont de la difficulté à faire améliorer leur logement et ils font face à des restrictions dans leur accès à l'emploi au Liban ainsi que dans leur capacité de revenir au pays s'ils voyagent à l'étranger. »[23]

 

Depuis 1997, selon de nombreux documents, les conditions des réfugiés palestiniens au Liban continuent de se détériorer de façon spectaculaire.[24]

 

3.4.       Motifs de persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié

 

« Pour que la revendication soit accueillie, la persécution doit être liée à un motif énoncé dans la Convention, en d'autres mots, il doit y avoir un lien ».[25] Plus précisément :

 

« [...]Un revendicateur doit craindre d'être persécuté du fait de l'un des cinq motifs énumérés dans la définition de réfugié au sens de la Convention – race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social et opinions politiques. Un lien doit être établi entre la crainte de persécution et l'un de ces cinq motifs».[26]

 

Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié sont persécutés du fait de leur nationalité et de leur groupe social. Tel que stipulé par la Cour suprême du Canada dans Ward,[27], une des catégories qui définit les « groupes sociaux » est l’existence d’une « caractéristique innée ou immuable ». Au Liban et dans les territoires occupés, les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié sont persécutés pour l’unique raison qu’ils sont palestiniens.

 

En fait, « les Palestiniens subissent de jure et de facto une discrimination au Liban par rapport aux autres non-citoyens concernant le droit de travailler, le droit à la sécurité sociale et les droits de posséder et d’hériter de la propriété [traduction non officielle] ».[28]

 

3.5.       La crainte de persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié est légitime

 

Le deuxième critère de détermination du statut de réfugié est l’existence d’une crainte de persécution légitime. « Le demandeur doit prouver, suivant la prépondérance des probabilités, qu'il craint “avec raison” d'être persécuté. On parle également de possibilité “raisonnable” ou même “sérieuse” par opposition à une simple possibilité que le demandeur soit persécuté s'il devait être retourné dans son pays d'origine. »[29] De plus, « [un] demandeur peut craindre subjectivement d'être persécuté s'il rentre dans son pays, mais sa crainte doit être analysée objectivement compte tenu de la situation qui a cours dans le pays afin de déterminer si elle est fondée [traduction libre]. »[30]

 

De nombreux documents sur la persécution des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié du Liban et des territoires occupés prouvent clairement que leurs craintes subjectives sont légitimes et justifiées compte tenu de la situation objective sur le terrain.[31]

 

De plus, « la capacité de l'État d’assurer [sa protection] doit être prise en considération à l'étape de l'analyse où il est déterminé si le demandeur craint avec raison d'être persécuté. »[32] Dans le cas des Palestiniens demandeurs du statut de réfugié, l’absence totale de protection de l’État, telle que montrée dans la section suivante, contribue à établir que leurs craintes sont légitimes.

 

3.6.       Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié ne jouissent d’aucune protection de l’État

 

Bien que, « selon le paragraphe 101 du guide publié par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les demandeurs apatrides n’ont pas à se prévaloir de la protection de l’État puisque l’État n’a aucune obligation de fournir sa protection [traduction] ».[33], il est néanmoins clair que la protection de l’État est complètement absente pour les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié apatrides.

 

Au Liban, en raison de leur situation unique, les réfugiés palestiniens se sont vus dénier pratiquement tout moyen d’assurer leurs droits fondamentaux :


« La condition exceptionnelle d’apatride et la dispersion des Palestiniens s’étend sur les sphères politique, économique, sociale et humanitaire. Ils ne peuvent faire appel ni à l’UNRWA, dont le mandat n’inclut pas la protection des Palestiniens, ni au HCR, qui exclut spécifiquement les Palestiniens de sa protection. Cette aberration est particulièrement significative, pas seulement pour les réfugiés vivant sous l’occupation israélienne dans la Bande de Gaza et la Cisjordanie, mais également pour les réfugiés palestiniens résidant temporairement dans différents pays, surtout au Liban, en Syrie et en Jordanie (1). En conséquence, les opérations de l’UNRWA dans ces pays, le statut légal et les droits des réfugiés sont assujettis aux lois du pays hôte sans possibilité de recourir à des accords internationaux sur les droits des réfugiés. [traduction] »[34]

 

De plus, les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié de Cisjordanie et de la Bande de Gaza continuent à vivre sous l’occupation militaire israélienne et se voient donc refuser toute forme de protection légale. La communauté internationale, incluant le Canada, reconnaît l’illégalité de l’occupation continue des territoires palestiniens. [35]

 

Dans les deux cas, il y a une preuve « claire et convaincante »[36] de l’incapacité de l’État à protéger les demandeurs. En fait, non seulement l’État n’est pas prêt à fournir cette protection, mais il est également un agent de persécution des Palestiniens. Dès lors, l’absence de protection de l’État n’est pas une question litigieuse en ce qui concerne les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié, puisque l’État en question les prive de leurs droits fondamentaux et qu’ils ne peuvent recourir à la protection d’aucun autre État.

 

3.7.       Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié n’ont pas de possibilité de refuge intérieur (PRI)

 

Tel qu’indiqué par le Tribunal fédéral dans Rasaratnam[37] et Thirunavukkarasu[38], le test à appliquer pour déterminer s’il y a PRI est double :

 

(1)      « […] la Commission doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités que le demandeur ne risque pas sérieusement d'être persécuté dans la partie du pays où, selon elle, il existe une possibilité de refuge ».

 

(2)     « De plus, la situation dans la partie du pays que l'on estime constituer une PRI doit être telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d'y chercher refuge, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui sont particulières au demandeur. »

 

Ces deux conditions doivent être satisfaites pour que l’on considère qu’un demandeur a une PRI.[39]

 

Les Palestiniens demandeurs du statut de réfugié n’ont donc pas de possibilité de refuge intérieur car ils sont persécutés par les États persécuteurs sur l’ensemble de leur territoire. En Cisjordanie et dans la bande de Gaza, les demandeurs vivent sous occupation militaire et sont persécutés sur l’ensemble du territoire. Au Liban, les demandeurs font également face à une discrimination systématique sur tout le territoire. Amnistie internationale a en effet émis les observations sans équivoque suivantes :

 

« Les Palestiniens subissent de jure et de facto de la discrimination au Liban par rapport aux autres non-citoyens concernant le droit de travailler, le droit à la sécurité sociale et les droits de posséder et d’hériter de la propriété. […]La discrimination à l’encontre des Palestiniens concernant les droits de posséder et d’hériter de la propriété et le droit de travailler, crée des conditions où les réfugiés palestiniens ne peuvent accéder à un niveau de vie adéquat. [traduction non officielle] » [40]

 



[1] Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés, en ligne à <http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/index_f.htm >.

[2] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2001, c. 27.

[3] Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut de réfugiés, 189 U.N.T.S. 2545, 22 avril 1954; Protocole de 1967 sur le statut de réfugié, 606 U.N.T.S. 8791, 4 octobre 1967.

[4] Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, S.C. 2001, c. 27, s. 97(1).

[5] Supra note 8.

[6] Maarouf c. Canada (le ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 F.C. 723 (T. D. ); en ligne à <http://reports.fja.gc.ca/cf/1994/pub/v1/1994cfa0339.html>.

[7] Canada (procureur général) c. Ward, [1993] 2 S.C.R. 689, 103 D. L.R. (4th) 1, 20 Imm. L.R. (2d) 85; Chan c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1995] 3 S.C.R. 593.; en ligne à <http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/ausujet/tribunaux/spr/defref/crdef03_f.htm>.

[8] Ibid

[9] Ibid.

[10]Madelat, Firouzeh c. M.E.I., Mirzabeglui, Maryam c. M.E.I. (C.A.F.,A-537-89 et A-538-89), MacGuigan, Mahoney, Linden, 28 janvier 1991; en ligne à

<http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/ausujet/tribunaux/spr/defref/crdefkey_f.htm>.

[11] Voir Annexe I : Persécution des réfugiés palestiniens au Liban, vers la fin du document

[12] Amnistie Internationale, « Liban: Les droits économiques et sociaux des Palestiniens », Rapport 2003, en ligne à < http://web.amnesty.org/report2003/lbn-summary-fra>

[13] Supra note 17.

[14] Voir Annexe II : Persécution des réfugiés palestiniens dans la Palestine occupée, ci-dessous

[15] Ibid.

[16]Rajudeen Zahirdeen c. M.E.I. (C.A.F., A-1779-83), Heald, Hugessen, Stone, 4 juillet 1984.

[17] Sherifa Shafie, Palestinian Refugees in Lebanon”, Forced Migration Online Research Guide (2003), en ligne à http://www.forcedmigration.org/guides/fmo018/fmo018.pdf

[18] Supra note 20.

[19] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Conseils aux voyageurs – Israël, la Cisjordanie et Gaza – valide au 4 mars 2004. en ligne à

<http://www.voyage.gc.ca/dest/report-fr.asp?country=135000>.

[20] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Conseils aux voyageurs – Israël, la Cisjordanie et Gaza – valide au 4 mars 2004. en ligne à

<http://www.voyage.gc.ca/dest/report-fr.asp?country=159000>.

[21] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Déclaration du représentant du Canada aux Nations Unies à la Commission des questions politiques spéciales et de la décolonisation
(Quatrième commission), Point 83 : Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient – 3 novembre 2003

En ligne à <http://www.dfait-maeci.gc.ca/Peaceprocess/Canadian_Statement_4th_Committee_Nov3-fr.asp >.

[22] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Déclaration du Canada sur le Moyen-Orient à la 59e session de la Commission des droits de l'homme de l'ONU 2003. en ligne à http://www.dfait-maeci.gc.ca/Peaceprocess/canada_statements_Middle_East_59th_Session-fr.asp

[23] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Réfugiés palestiniens : Rapport de la mission au Liban –20-23 mai 1997- en ligne à http://www.dfait-maeci.gc.ca/Peaceprocess/lib_rap-fr.asp

[24] Supra Note 17.

[25] Commission de l’immigration et du statut de réfugié, « La jurisprudence sur la définition de réfugié au sens de la Convention » (Services juridiques, 31 décembre 2001), 3.1.

[26] Ward Supra Note 13.

[27] Ibid.

[28] Supra note 18.

[29] Adjei c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.), accessible en ligne à <http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/ausujet/tribunaux/spr/defref/crdefkey_f.htm>

[30] Supra note 22.

[31] Supra note 17. Voire Aussi Supra Note 20.

[32] Supra note 31 á  la page 6-2; Ward supra note 13.

[33] El Khatib, Naif v. M.C.I. (F.C.T. D. , no. IMM-5182-93), McKeown, 27 septembre 1994.

[34] Zakharia, L. “Poverty Intensification Strategies: The Case of Palestinian Refugees”, FOFOGNET, Digest, 3 mars 1997.

[35] Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Le Canada et le processus de paix au Moyen-Orient, Politique canadienne (questions clés);

en ligne à <http://www.dfait-maeci.gc.ca/Peaceprocess/keyissue-fr.asp >

[37] Rasaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), p. 710 ;

en ligne à < http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/ausujet/tribunaux/spr/defref/crdef08_f.htm#note4>

[38] Thirunavukkarasu c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.);

en ligne à < http://www.cisr-irb.gc.ca/fr/ausujet/tribunaux/spr/defref/crdef08_f.htm#note4>

[39] Supra note 31 à la page 8-1.

[40] Supra note 18.